Un tout premier additif alimentaire réducteur de méthane pour bovins autorisé au Canada

Les émissions de méthane provenant du bétail représentent 3,3 % des gaz à effet de serre produits au Canada, selon Agriculture et Agroalimentaire Canada.

RCI / Raphaëlle Laverdière

Un tout premier additif alimentaire destiné à la réduction de la production de méthane par les bovins fera son entrée sur le marché canadien dans les prochaines semaines. Il s’agit du premier produit en son genre approuvé pour utilisation au Canada.

À l’heure actuelle, le supplément en poudre Bovaer est autorisé dans près de 60  pays et, depuis environ un mois, par l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

D’après la compagnie suisse dsm-firmenich, il peut réduire la production de méthane des bovins de boucherie de 45 %, en moyenne. Pour les vaches laitières, les émissions peuvent être réduites de 30 %, dit-elle sur son site Internet.

En 2021, le secteur agricole était à l’origine de 31 % des émissions totales de méthane au Canada, d’après Environnement et Changement climatique Canada. Le méthane issu de l’alimentation des bovins, appelé méthane entérique, provoquait la majorité de ses émissions.

Au Canada, les chercheurs se penchent sur la réduction de méthane entérique depuis plus de 20 ans. C’est depuis une dizaine d’années que le composé chimique 3NOP, l’ingrédient actif de Bovaer, a commencé à être étudié.

En 2020, Karen Beauchemin, chercheuse à Agriculture et Agroalimentaire Canada, a travaillé avec la station de recherche de l’agence fédérale où, pendant deux ans, elle a testé Bovar sur 15 000 bovins de boucherie en Alberta.

Pour l’experte en alimentation des ruminants, les résultats de l’étude permettent de qualifier le développement de l’additif alimentaire de découverte vraiment révolutionnaire.

Nous avons toujours eu l’hypothèse que, si l’on réduisait les émissions de méthane, cela aurait un impact négatif sur la digestibilité des aliments, car le méthane est un moyen pour la vache d’éliminer l’excès d’hydrogène du rumen [le premier des quatre estomacs des ruminants, NDLR], explique Karen Beauchemin.

Toutefois, ce qu’on constate, c’est qu’il y a d’autres voies d’utilisation de l’hydrogène qui éliminent l’excès, ce qui permet de réduire les émissions de 30, 40, 50 % sans effets négatifs sur la vache.

Comme l’additif est rapidement métabolisé par la vache, le composé chimique est dégradé dans le processus digestif et ne se retrouve pas dans le lait ou dans la viande, comme le précise la chercheuse.

Un produit non autorisé aux États-Unis

Malgré ces résultats prometteurs, Bovaer n’est pas autorisé aux États-Unis à l’heure actuelle.

Karen Beauchemin dit que la prudence de la Food and Drug Administration (FDA) est liée au fait qu’il s’agit du premier produit de cette catégorie à recevoir une approbation.

Aucun autre additif alimentaire n’a été approuvé pour la réduction du méthane. […] Je pense qu’il y a beaucoup de grattage de tête et qu’ils ne sont pas sûrs de comment traiter un composé comme celui-là.

Au-delà de l’efficacité de Bovaer, la spécialiste estime qu’il reste des inconnues. Je ne sais pas combien ça coûtera, mais ça aura certainement un prix, affirme-t-elle.

En tant que société, je crois que nous devons vraiment nous asseoir et avoir une conversation très importante, car je pense que les agriculteurs veulent faire ce qui est bon pour l’environnement, soutient-elle.

Un outil de plus pour atteindre les objectifs de l’industrie

Le directeur général de Manitoba Beef Producers, Carson Callum, qualifie l’arrivée prochaine de Bovaer de très bonne nouvelle.

Le fait que ce produit particulier est désormais approuvé permet à l’industrie de disposer d’un autre outil dans sa boîte pour atteindre les objectifs de l’industrie d’ici 2030, affirme-t-il.

L’industrie bovine canadienne s’est fixé comme objectif de réduire l’intensité de ses émissions à effet de serre de 33 % d’ici 2030. Les Producteurs laitiers du Canada visent quant à eux la carboneutralité d’ici 2050.

Toutefois, Carson Callum estime qu’il faudra s’assurer que le coût ne retombe pas sur les producteurs. Il est vraiment important que les résultats financiers des producteurs ne soient pas touchés en profondeur et qu’ils voient les avantages que l’utilisation de ce produit a pour leur entreprise.

Il espère que l’utilisation du produit pourra faire l’objet de crédits carbone. On a vu des projets de programme de crédits carbone qui intègrent l’utilisation d’outils comme celui-ci pour encourager ou inciter les producteurs à les utiliser sans qu’ils soient en subissent les conséquences, dit-il à titre d’exemple.

Bien qu’il s’agisse d’une avancée importante pour la réduction des émissions du secteur agricole, les objectifs environnementaux ambitieux de l’industrie ne pourront être atteints qu’en utilisant plusieurs outils, comme l’estiment Karen Beauchemin et Carson Callum.

Comme Bovaer doit être mélangé au grain, il ne peut être utilisé sur les troupeaux qui paissent pour le moment.

D’autres avenues de recherche sont prometteuses pour la réduction du méthane entérique, estime Karen Beauchemin.

Elle conclut en disant que la sélection génétique d’animaux à basses émissions, la vaccination et l’utilisation de différents aliments, comme les algues rouges (nouvelle fenêtre), pourraient ouvrir de nouvelles avenues dans les prochaines années.

Raphaëlle Laverdière