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L’application Wizz peut ouvrir la porte à la sextorsion des jeunes, selon des experts

by admin

 

RCI / Anne Marie Lecomte

Cyberaide.ca, la centrale canadienne de signalement des cas d’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet, met la population en garde contre l’utilisation de Wizz, une application qui « crée un faux sentiment de sécurité » chez les jeunes et qui peut les exposer à des extorqueurs et à des prédateurs sexuels.

Avec Wizz, ça devient très facile pour des adultes ou des personnes mal intentionnées d’entrer directement en contact avec des enfants, a déclaré René Morin, porte-parole du Centre canadien de protection de l’enfance (CCPE) en entrevue à Tout un matin (nouvelle fenêtre), sur ICI PREMIÈRE, mardi.

Wizz est une application de type Tinder pour adolescents qui présente un risque de sextorsion a poursuivi M. Morin.

Cyberaide.ca (un programme du CCPE) a publié une mise en garde contre cette application, dont les effets potentiellement pervers avaient fait la une du quotidien La Presse, mardi.

Au Centre canadien de protection de l’enfance, on recommande aux parents d’avoir une bonne conversation avec leurs enfants pour savoir s’ils connaissent cette application. Et, si c’est le cas, ce serait peut-être bon de la supprimer sur les appareils qu’utilisent les jeunes, a suggéré René Morin.

Depuis 2011, Cyberaide.ca a reçu plus de 180 signalements concernant Wizz. En 2023, cette application a généré dix fois plus de signalements qu’en 2022.

Le porte-parole du Centre canadien de la protection de l’enfance, René Morin. (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada / Capture d’écran – Google Meet

René Morin affirme que c’est la plateforme qui connaît la hausse la plus rapide de signalements comparativement à toutes les autres plateformes qui sont sur notre radar.

Selon des chiffres compilés par Cyberaide.ca, ces signalements représentent des cas de sextorsion dans une proportion de 91 %. Et dans 93 % des cas où le genre de la victime est connu, cette dernière est de sexe masculin.

La majorité des victimes signalées à Cyberaide.ca sont âgées de 15 à 17 ans.

En matière de cybercriminalité, les garçons se font le plus souvent extorquer de l’argent. Les jeunes filles, elles, se voient plutôt réclamer des scènes de nudité, précise M. Morin.

Un processus d’estimation de l’âge défaillant

Wizz est une sorte d’hybride entre Tinder et une autre application, Omegle. Cette dernière, qui permettait d’avoir des conversations vidéo avec des inconnus, a dû fermer ses portes récemment à la suite d’une poursuite judiciaire pour exploitation et abus sexuels d’enfants, indique-t-on sur Cyberaide.ca.

  1. Morin décrit ce qui se passe lorsqu’un utilisateur crée un compte dans Wizz : on lui demande de fournir un autoportrait qui est soumis à un processus recourant à l’intelligence artificielle pour estimer son âge. C’est à ce moment qu’on va vous présenter des profils d’autres utilisateurs qui ont le même âge que vous, a-t-il expliqué.

Toutefois, il est facile de déjouer ce processus, selon M. Morin. Des analystes de Cyberaide.ca âgés de 23 et 25 ans se sont soumis au processus de reconnaissance faciale de Wizz et sont parvenus à créer des comptes sous l’identité de garçons âgés de 16 ans.

Les sextorqueurs ne sont pas que des adultes

Le marketing de Wizz est axé sur le fait que l’application met des jeunes en contact les uns avec les autres.

Mais il faut prendre en considération que les personnes s’adonnant à la sextorsion ne sont pas forcément des gens dans la force de l’âge, a nuancé René Morin. Des adolescents s’y adonnent aussi. Et ils le font parfois pour le compte d’organisations criminelles internationales, basées à l’étranger, qui se livrent activement à cette pratique parce que c’est payant.

C’est également le point de vue de Nellie Brière, stratège en communications numériques, qui met en lumière que la sextorsion n’est plus seulement le fait d’individus dans leur cave qui décident de faire ça.

Nellie Brière, stratège en communications numériques et médias sociaux. (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada

Durant la pandémie de COVID-19, les jeunes ont appris à développer leur sexualité en ligne, explique Mme Brière parce qu’ils n’avaient pas beaucoup de contacts réels avec d’autres adolescents. Ce qui a eu pour conséquence de rendre ce pan de la société que sont les jeunes plus vulnérable à la sextorsion.

Qu’y a-t-il dans le téléphone de votre ado?

Pour les parents, le meilleur moyen de protéger leurs enfants contre ce fléau est de maintenir un lien de confiance avec eux, a expliqué Nellie Brière. En entrevue à Midi info (nouvelle fenêtre), sur ICI PREMIÈRE, cette stratège en communications numériques a appelé les parents à être vigilants : normalement, dit-elle, ces derniers devraient savoir quelles plateformes fréquentent leurs ados sur Internet.

Il importe, dit-elle, de s’assurer que les jeunes développent leur esprit critique parce qu’on ne pourra pas les prémunir contre tout. Trop de choses changent trop vite sur le numérique, alors parlez du phénomène de sextorsion avec vos jeunes.

Quant à l’idée qu’il ne faut pas aller sur Meta ou Instagram, elle n’est pas tout à fait juste, selon Nellie Brière : ces plateformes-là ont développé plus de garde-fous que des nouvelles plateformes telles que Wizz.

Ayant été souvent critiquées, Meta et Instagram font l’objet de beaucoup de contrôle parental, dit Nellie Brière. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’extorqueurs et harceleurs établiront un premier contact avec un jeune sur une plateforme plus connue comme Instagram et qu’ensuite, ils l’entraîneront sur Wizz, Snapchat ou autre, conclut-elle.

Nellie Brière recommande aux parents d’aider leurs enfants « à développer leur esprit critique parce qu’ils ne pourront pas les prémunir contre tout ». (Photo d’archives)
Photo : iStock / Blackzheep

La sensibilisation est la clé

En tant que père de deux jeunes femmes qui ont été adolescentes, le chef du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, a souligné l’importance de garder une ligne de communication saine avec sa progéniture. M. Tanguay croit que le gouvernement aurait un rôle à jouer par des campagnes de sensibilisation, par des campagnes d’éducation, entre autres, dans notre système d’éducation et en levant des drapeaux rouges.

Durant un point de presse à l’Assemblée nationale à Québec, le député solidaire et chef du deuxième groupe d’opposition, Gabriel Nadeau-Dubois, s’est inquiété du phénomène et a plaidé pour davantage de sensibilisation.

De son côté, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon a dressé un parallèle avec la Loi sur la protection du consommateur qui interdit la publicité faite aux enfants.

Des gouvernements, par le passé, ont protégé les enfants, ont protégé l’enfance, et c’est le sens, c’est l’esprit du Code civil du Québec (…) C’est nos [enfants] de douze, treize ans qui sont sur des sites de rencontre et elles sont exposées à des prédateurs sexuels… il me semble qu’on devrait se réveiller, comme société.

Par ailleurs, à l’occasion de la présentation du bilan du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), mardi, l’accent a aussi été mis sur l’importance de soutenir les familles face à ces crimes.

En cas de cyberviolence sexuelle, les jeunes sont invités à consulter le site AidezMoiSVP.ca (nouvelle fenêtre) ou encore Clavardage Ados Tel Jeunes. (nouvelle fenêtre)

Si vous ou l’un de vos proches êtes en détresse, sachez que vous n’êtes pas seul. Voici les ressources offertes :

Au Québec :  (nouvelle fenêtre)

Appelez sans frais le 1 866 APPELLE [277-3553].

Si vous ou un proche êtes en danger immédiat, composez le 911.

Vous pouvez aussi texter un intervenant au 535353 : ce service confidentiel de clavardage est offert 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Au Canada :  (nouvelle fenêtre)

Téléphonez ou envoyez un texto au 988 : cette ligne d’aide est ouverte 7 jours sur 7, jour et nuit.

Les victimes ont peur

Au Nouveau-Brunswick, seulement, le nombre de signalements des cas de harcèlement en ligne connaît une hausse vertigineuse (nouvelle fenêtre). La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a reçu 66 plaintes de ce cyberchantage depuis 2023, dont 43 uniquement en janvier 2024.

C’est une forme importante de violence sexuelle, affirme Marie-Andrée Pelland, professeure en criminologie à l’Université de Moncton. Les victimes ont peur. Elles ont même des idées suicidaires. Ces 43 signalements signifient qu’il y a 43 jeunes qui ont vécu une situation très difficile.

Et selon Mme Pelland, ces chiffres ne sont que la pointe de l’iceberg. Combien n’ont pas osé porter plainte? C’est pour ça qu’il faut en parler et briser le silence.

Les victimes ne doivent pas tenter de régler le problème par elles-mêmes. Les jeunes, notamment, n’auront peut-être pas le réflexe de s’en remettre à leurs parents pour avoir de l’aide, affirme René Morin. C’est pourtant ce qu’ils devraient faire.

En plus de se tourner vers des adultes de confiance, les jeunes victimes peuvent consulter un site web (nouvelle fenêtre) indiquant quelle conduite adopter.

Avec les informations d’Éric Plouffe, de Mathieu Papillon et de Jérôme Labbé

Anne Marie Lecomte

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