Québec lance une formation plus courte et payée pour les préposés au soutien à domicile

RCI / Stéphane Bordeleau

Le gouvernement du Québec lance aujourd’hui le processus d’inscription à une formation payée de courte durée pour former davantage de préposés au soutien et aux soins à domicile.La formation courte des futurs auxiliaires aux services de santé et sociaux (ASSS) sera d’une durée de 705 heures sur une période de cinq mois comparativement aux 870 heures requises pour effectuer la formation traditionnelle.

Des cours seront offerts dans toutes les régions du Québec où la formation des premières cohortes doit commencer dans les prochaines semaines, promet-on dans un communiqué du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le but de l’exercice est également de diminuer le recours du réseau de la santé à des agences privées pour combler ses besoins en personnel.

Notre gouvernement s’est engagé à réaliser un virage majeur en soutien à domicile afin de répondre aux besoins qui continueront d’augmenter au cours des prochaines années. […] J’invite toutes les personnes qui veulent mettre à profit leur humanité et leur énergie à déposer leur candidature, écrit la ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger.

Une formation rémunérée

En plus de bénéficier d’une formation accélérée, les candidats inscrits au programme bénéficieront d’une aide financière de 12 000 $ pendant qu’ils seront à l’école à la condition de s’engager à travailler au moins six mois dans le réseau de la santé québécois à la fin de leur formation.

Les 12 000 $ seront versés aux candidats en trois montants distincts de 4000 $, soit deux versements pendant la formation et le dernier au moment de l’obtention du diplôme, qui sera une attestation d’études professionnelle (AEP). Mais attention, les deux premiers virements de 4000 $ devront être remboursés au gouvernement si le ou la candidate ne termine pas sa formation.

En plus du soutien financier, les futurs préposés et préposées seront assurés d’un emploi, et ce, dès l’obtention de leur attestation, ajoute le ministère de la Santé.

Les personnes intéressées sont invitées à consulter ce site Internet du gouvernement du Québec (nouvelle fenêtre).

Cette nouvelle formation payée proposée par Québec s’inscrit dans le sillage du programme accéléré destiné à recruter et à former 5000 préposés aux bénéficiaires (nouvelle fenêtre) en Centre d’hébergement et de soins de longue duréeCHSLD et en résidence privée pour aînésRPA lancé en mai 2023 où on offrait aussi une bourse de 12 000 $ aux nouveaux candidats.

Le programme a permis de former 3000 nouveaux préposés aux bénéficiaires à ce jour.

Le programme précédent d’embauche de préposés aux bénéficiaires lancé en 2020, pendant la pandémie, a quant à lui attiré environ 8000 personnes dans les salles de classe (nouvelle fenêtre).

Des réactions partagées

À la Confédération des syndicats nationaux (CSN), on salue la volonté d’augmenter les effectifs de soins à domicile, mais on se questionne sur les dizaines d’heures qui seront retranchées à la formation des futurs Auxiliaires aux services de santé et sociauxASSS.

Sur le terrain, les travailleurs et travailleuses moins formés pourraient occasionner une surcharge de travail pour leurs collègues qui devront pallier leur manque d’expérience, explique Guillaume Clavette, représentant du personnel paratechnique, des services auxiliaires et des métiers à la Fédération de la santé et des services sociauxFSSS-Confédération des syndicats nationauxCSN.

En enlevant 165 heures de formation, les nouveaux employés seront moins préparés à vivre les particularités des soins à domicile : patients violents, travail isolé, appartement insalubre, santé mentale, etc., craint M. Clavette.

L’annonce a été mieux reçue à Québec solidaire, dont le chef parlementaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a reconnu les mérites de cette initiative.

En matière de vieillissement de la population, on a tout un défi de société, a-t-il expliqué aux journalistes. Ce programme-là, c’est une bonne idée, c’est un bon programme. Est-ce que ça règle tous les problèmes? Bien sûr que non.

1. Nadeau-Dubois apprécie notamment le fait que les futurs Auxiliaires aux services de santé et sociauxASSS qui reçoivent des bourses vont devoir effectuer une période minimale de travail dans le réseau public de la santé après avoir reçu leur formation. Ce qui n’était pas le cas avec les formations payées offertes en construction (nouvelle fenêtre).

De son côté, le chef du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay a souligné l’absence de reddition de comptes du gouvernement caquiste au sujet des formations précédentes.

Un avis partagé par le Parti québécois, dont le chef Paul St-Pierre Plamondon s’est déclaré favorable à toute initiative qui pourrait aider en termes de recrutement, mais à la condition de contrôler si cela fonctionne ou non et de s’assurer que les conditions autour du programme sont efficaces.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du PQ. (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Philippe Voyer, chercheur au Centre d’excellence sur le vieillissement de Québec, croit pour sa part que les gens qui projettent de devenir Auxiliaires aux services de santé et sociauxASSS en établissements privés devraient eux aussi avoir droit à ces aides gouvernementales dans la mesure où tous les Auxiliaires aux services de santé et sociauxASSS contribuent à maintenir des personnes à domicile.

Ces gens-là sont très importants et on ne devrait pas les discriminer sur la base de qui est leur employeur, a déclaré le chercheur à l’émission Midi info, sur ICI PREMIÈRE (nouvelle fenêtre).

Beaucoup de travail à faire

Environ 350 000 personnes reçoivent chaque année des soins à domicile au Québec de la part d’infirmières, d’Auxiliaires aux services de santé et sociauxASSS, d’ergothérapeutes ou encore de l’aide domestique. Ce à quoi s’ajoutent 19 000 personnes qui sont sur des listes d’attente.

Et ce n’est que le début, selon une étude prospective publiée en novembre (nouvelle fenêtre) par la Chaire de recherche Jacques-Parizeau en politiques économiques de Hautes études commercialesHEC Montréal. Selon les chercheurs, si les modes de financement et de gestion actuels demeurent, le nombre de personnes qui auront besoin de soins ou de soutien à domicile est appelé à augmenter de 69 % d’ici 2040. Ce qui représente plus de 545 000 bénéficiaires à servir et 42 500 places à ajouter dans les Centre d’hébergement et de soins de longue duréeCHSLD ou les maisons des aînés.

Le Québec est-il prêt à répondre à une telle demande? Pas en ce moment, selon les experts.

À l’heure actuelle, les soins à domicile sont peu développés au Québec par rapport aux autres provinces. En mars 2023, la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, soulignait que le Québec demeure en queue de peloton au Canada (nouvelle fenêtre) en ce qui a trait au budget accordé aux soins à domicile.

Selon les données de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), le Québec investit environ 259 $ par habitant en services à domicile et en soins communautaires, ce qui le place au 11^e rang au Canada. Et ce, en dépit d’une augmentation de 30 % des budgets alloués à ces soins entre 2016 et 2020.

Stéphane Bordeleau